Les clés d’une bonne intégration de l’Energy Management System dans un système SCADA existant

10 Juil 2025 | Actualités

parc éolien et panneaux solaires

Vous envisagez de connecter un Energy Management System à votre infrastructure SCADA existante ? C’est une excellente décision… à condition d’en maîtriser les prérequis techniques.

Car si l’EMS promet un pilotage énergétique avancé, il ne suffit pas de le connecter pour qu’il fonctionne. Chaque SCADA a son historique, ses protocoles, ses automatismes, et vouloir injecter de l’intelligence sans tenir compte de cette réalité, c’est prendre le risque de compromettre la stabilité du système existant.

Interopérabilité, architecture réseau, sécurisation des flux, test de robustesse… intégrer un EMS, c’est avant tout un projet d’ingénierie industrielle. Et comme tout projet, il repose sur une méthodologie rigoureuse, des outils éprouvés, et une parfaite maîtrise des environnements terrain.

Dans cet article, on vous partage les clés techniques incontournables pour réussir cette intégration : ce qu’il faut analyser, valider, configurer et tester pour que votre EMS devienne un chef d’orchestre de vos flux énergétiques… sans jamais perturber la stabilité du SCADA en place.

Dans quels cas l’ajout d’un Energy Management System à votre SCADA est indispensable ?

Si vous disposez d’un système SCADA performant pour superviser vos installations industrielles ou énergétiques, vous avez en main un outil fiable pour le pilotage opérationnel. Mais à l’échelle d’un parc multi-site ou d’un site intégrant plusieurs actifs (photovoltaïque, batteries, groupe électrogène…), le SCADA seul atteint vite ses limites…

Un SCADA sait acquérir, afficher, historiser et envoyer des ordres terrain. Il agit, mais n’anticipe pas. Il n’intègre pas les contraintes contractuelles (RTE, Enedis) ou l’arbitrage dynamique entre sources d’énergie.

C’est là qu’un Energy Management System devient indispensable. En ajoutant cette couche logicielle au-dessus du SCADA, vous introduisez une brique d’intelligence énergétique capable de prendre en compte l’ensemble des contraintes. L’EMS sait prédire la production solaire à J+1, simuler des scénarios de pilotage batterie-réseau ou envoyer une consigne d’optimisation à la milliseconde près.

Cette couche logicielle ne remplace pas le SCADA, elle le complète. L’EMS n’exécute pas d’action directe sur le terrain : il s’appuie sur l’infrastructure existante (RTU, IED, automates, superviseurs) pour faire transiter ses consignes via les bons protocoles de communication. C’est en cela qu’il doit s’intégrer sans perturber : il vient s’interfacer avec le SCADA, sans toucher à sa logique opérationnelle.

Analyser la situation de départ et les objectifs de pilotage énergétique

L’intégration d’un Energy Management System commence par un état des lieux technique. Il faut commencer par qualifier le rôle du SCADA : est-il limité à de la supervision et à de l’historisation ? orchestre-t-il déjà des régulations locales, des automatismes sur alarmes ou des délestages ?

L’intégration de l’EMS ne peut pas se faire sans connaître les responsabilités déjà portées par les automates, les RTU, les relais de protection ou les IED. L’enjeu est d’éviter tout conflit de logique ou doublon fonctionnel.

Ensuite, il faut clarifier les besoins qui motivent cette intégration :

  • S’agit-il d’optimiser la facture énergétique via un pilotage multi-actifs ?
  • De garantir des engagements de puissance injectée dans le cadre d’un contrat PPA ?
  • D’anticiper des pics de consommation pour préserver la stabilité d’un réseau isolé ?

Chaque objectif entraîne des exigences techniques très différentes en termes de précision, d’horizon temporel ou de rapidité d’exécution.

Enfin, une cartographie technique complète doit être dressée : inventaire des équipements communicants, des protocoles de communication, des flux de mesures et des capacités de contrôle. C’est ce qui permettra de déterminer si l’EMS peut s’interfacer directement ou s’il faut introduire une couche d’abstraction.

Évaluer la compatibilité entre l’Energy Management System et le système SCADA existant

Cette étape consiste à vérifier si l’architecture SCADA est techniquement apte à dialoguer avec un EMS.

Tous les SCADA ne parlent pas les mêmes langages. Modbus TCP/IP reste courant pour les échanges simples. À l’inverse, OPC UA, IEC 61850 ou DNP3 permettent une structuration plus fine des données et une meilleure synchronisation. Le choix du protocole de communication déterminera si l’EMS peut se connecter en lecture seule et s’il pourra transmettre des consignes vers le terrain.

Vient ensuite l’analyse de l’architecture logicielle du SCADA :

  • Dispose-t-il d’un serveur OPC actif ?
  • Est-il connecté à une base de données SQL que l’on peut interroger ou synchroniser avec l’EMS ?
  • Fournit-il une API (REST, MQTT…) permettant d’accéder à ses variables de supervision ou de contrôle ?

Certains logiciels SCADA, comme Zenon Energy Edition, disposent nativement d’une interface OPC UA et d’un environnement structuré par objets (logical nodes IEC 61850), facilitant l’intégration d’un EMS.

Enfin, il faut savoir si le SCADA est en capacité de recevoir et d’exécuter des consignes émises par un système externe. Dans certaines architectures, seules les RTU ou les automates disposent des droits d’écriture. Dans d’autres, le SCADA peut servir de passerelle active pour la descente de consignes énergétiques, à condition de respecter la logique d’arbitrage en place et les priorités de sécurité. Cette capacité à écrire dans les objets du SCADA ou à injecter des séquences via scripts ou API est un point déterminant pour la réussite de l’intégration.

Déployer une architecture technique stable et sécurisée

Dans une architecture standard, l’EMS se place au-dessus du SCADA, dans une logique de supervision surplombante. Le SCADA reste maître des échanges terrain (RTU, IED, automates), tandis que l’EMS exploite les données pour produire des consignes à valeur ajoutée. L’interface entre ces deux couches peut prendre plusieurs formes : serveur OPC UA, API REST exposée par le SCADA, ou encore broker MQTT en environnement IT/OT convergent.

Dans les cas les plus simples, un serveur OPC UA suffit à établir une communication bidirectionnelle entre le SCADA et l’EMS. Le SCADA expose ses variables temps réel en lecture, et permet l’écriture de certaines consignes énergétiques. Lorsque le SCADA ne supporte pas nativement ce type de dialogue, un gateway s’impose. Il peut prendre la forme d’un serveur OPC tiers, d’un convertisseur de protocole, ou d’un service d’abstraction qui traduit les échanges terrain vers un format exploitable par l’EMS.

La gestion des flux bidirectionnels est ici cruciale. La lecture descendante (du SCADA vers l’EMS) doit être fluide, horodatée, et non intrusive. À l’inverse, l’écriture montante (de l’EMS vers le SCADA ou les RTU) nécessite une gouvernance stricte : droits d’accès, priorités de commande ou verrouillage via le SCADA en cas d’alarmes critiques.

Enfin, la stabilité de l’architecture passe par la mise en place de mécanismes de résilience. Redondance des serveurs de communication, sécurisation réseau (DMZ industrielle, VLAN dédiés, VPN chiffrés), et journalisation systématique des commandes sont autant de prérequis pour garantir un fonctionnement fiable et conforme.

controle de systeme scada

Sécuriser les échanges et préserver la performance en temps réel

L’intégration d’un EMS dans une architecture SCADA existante impose des exigences en matière de cybersécurité et de précision temporelle.

La première règle est simple : les couches critiques doivent être isolées. L’EMS opère dans une logique IT/OT hybride, alors que le SCADA reste profondément ancré dans le périmètre OT. Il est donc essentiel d’établir des zones réseau distinctes, cloisonnées par des VLAN industriels, des firewalls de niveau 2/3, et des règles ACL explicites. Toute communication entre l’EMS et le SCADA doit transiter par une DMZ technique ou un point de contrôle maîtrisé.

La deuxième exigence porte sur la qualité et la synchronisation des flux. Dans une logique de pilotage énergétique en temps réel, l’horodatage des données est fondamental. Toutes les mesures remontées depuis le SCADA vers l’EMS doivent être horodatées avec une précision sous-millisecondique. Pour cela, une synchronisation par protocole NTP ou, mieux encore, PTP (Precision Time Protocol) doit être mise en œuvre à tous les niveaux : automates, SCADA, serveurs OPC, base SQL et EMS.

De plus, il est impératif de mettre en place un monitoring spécifique des flux entre SCADA et EMS. Cela comprend la détection des pertes de synchronisation, des délais de latence anormaux ou des écarts entre les données prévues et les données reçues. Des sondes réseau ou des agents logiciels dédiés peuvent remonter des alertes en cas de dysfonctionnement, de congestion réseau ou d’échec d’exécution d’une consigne critique.

La sécurité passe aussi par une traçabilité complète : chaque valeur transmise, chaque commande émise, doit être journalisée, horodatée et conservée dans un historique d’audit. En cas de dérive, cette traçabilité est la seule garantie pour analyser finement l’enchaînement des événements.

Tester l’intégration en condition réelle sans impacter la production

Aucune intégration d’un Energy Management System dans un environnement SCADA ne peut se faire sans une phase de test rigoureuse.

Tout commence par la mise en place d’une plateforme de recette dédiée. Cette plateforme doit reproduire fidèlement l’environnement SCADA cible : même version logicielle, mêmes objets exposés, mêmes protocoles, mêmes topologies de flux. Les flux entre EMS et SCADA y sont émulés avec des données représentatives, incluant les cas nominaux mais aussi les cas dégradés. L’objectif est double : valider la bonne interprétation des variables par l’EMS, et s’assurer que les consignes émises sont bien comprises et traitées selon les règles métier du SCADA.

Viennent ensuite les tests de robustesse : montée en charge, sollicitation intensive des échanges, simulation de pertes de signal, etc. Il faut tester la résilience du système : que se passe-t-il si une trame OPC UA est perdue ? Si une consigne d’arbitrage ne passe pas ? Si le SCADA entre en état dégradé ? Ce sont ces scénarios qui permettent de valider les mécanismes de reprise, de file d’attente ou de repli automatique intégrés à l’architecture.

Une fois la plateforme validée, la bascule en production doit suivre une logique progressive. On commence par un mode passif : l’EMS observe, calcule, mais n’émet aucune consigne. Puis vient la phase semi-active, sur des plages horaires maîtrisées. Enfin, le mode actif peut être enclenché, sous réserve de mettre en place une supervision renforcée.
C’est cette stratégie de bascule progressive, appuyée par une batterie de tests réalistes, qui permet d’intégrer un Energy Management System sans perturber la production.

Pour résumer, l’intégration d’un Energy Management System dans un système SCADA existant ne s’improvise pas. C’est une démarche exigeante, qui repose sur une compréhension fine des architectures, des protocoles, des flux et des responsabilités de chaque composant. Mais bien menée, elle transforme une infrastructure de supervision standard en véritable plateforme de pilotage énergétique intelligent.

Du diagnostic initial à la bascule en production, chaque étape compte : analyser les usages, vérifier la compatibilité technique, sécuriser les échanges, tester sans impacter la production. C’est à cette condition qu’un EMS pourra délivrer toute sa valeur ajoutée, sans jamais compromettre la stabilité opérationnelle du SCADA en place.

Chez JSA, nous accompagnons depuis plus de 20 ans nos clients dans des projets complexes d’intégration industrielle et énergétique. Notre force ? Une parfaite maîtrise des environnements SCADA, une expertise terrain reconnue, et la capacité à concevoir des solutions sur mesure.

C’est à l’occasion d’un projet “Proof of Concept” mené en France et en Italie pour une start-up que JSA a fait son entrée concrète dans le domaine des systèmes EMS, il y a près de deux ans. Une mission exigeante, en environnement réel, qui est venue renforcer notre expertise, en complément de notre cœur de métier historique : la supervision industrielle appliquée à la production, la transformation et la distribution d’électricité.

Vous envisagez de déployer un EMS dans votre infrastructure ? Parlons-en. Nos équipes sont prêtes à vous accompagner pour construire, avec vous, un système intelligent, cohérent et parfaitement interopérable avec votre existant.

 

Articles similaires